Essais, romans et poésies de Sylvie Mamy
Je vous présente ici mes essais, romans et poésies.
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L’Allée de Mélisande. Les jardins et la musique
Le jardin est le lieu de l’enfance et de l’émerveillement. Élaboré par l’homme, il produit sa propre musique, simple musique de la nature que les jardiniers, les architectes et les fontainiers s’ingénièrent à contrefaire en créant des volières, des jeux d’eau, des orgues et des automates fantasmagoriques, métamorphosant le minuscule enclos primitif en un magnifique théâtre à ciel ouvert. Les peintres et les décorateurs de la Renaissance transformèrent ces jardins raffinés en de somptueuses scénographies qu’ils intégrèrent au scénario des fêtes, des ballets de cour puis des premiers drames en musique. Des décennies durant, la scène de jardin subsista à l’opéra, empreinte de codes aristocratiques que gomma peu à peu le déclin des grandes monarchies européennes. Désenchantés, les jardins redevinrent le refuge d’une féminité solitaire, souffrante, livrée impuissante à des passions fulgurantes et impossibles, où la vie et la mort se touchent. Dans des mélodies tendres et mélancoliques, chantées sur le souffle, chuchotées presque devant le public extasié des salons parisiens, Debussy, Fauré et Reynaldo Hahn confessent alors leur langueur existentielle, l’ineffable douleur de l’amour absent et le lointain souvenir du jardin d’Éden.
- Pour l’écriture de cet ouvrage, en septembre 2002, j’ai été reçue en résidence à la Fondation Dumbarton Oaks à Washington (département « Garden and Landscape »), Harvard University. Je dédie ce livre à Mildred Bliss et Beatrix Jones, deux femmes complices, deux femmes amoureuses des cultures française et italienne, deux femmes amoureuses des jardins et de la musique, qui créèrent les jardins flamboyants dans lesquels est nichée la Fondation Dumbarton Oaks.
L’Allée de Mélisande est un étroit et long sentier qui gravit la colline de Dumbarton Oaks, à Washington, entre les érables argentés et les scilles bleues, jusqu’au Lac des Amants, souvenir de la fontaine où Mélisande attendait Pelléas et où celle-ci trouva la mort, laissant pour toujours le jardin triste, solitaire et sans voix.
L’Allée de Mélisande, exergue
Frederic Eden, Un jardin à Venise
Veronica Franco, « Ma vie brisée de courtisane »
Veronica Franco fut la plus célèbre courtisane de Venise. Issue d’une famille bourgeoise déchue, fille d’une prostituée notoire, grâce à sa beauté et sa culture, elle réussit à se hisser au niveau des cercles politiques et académiques les plus huppés. Après sa rencontre avec le jeune roi de France Henri de Valois, elle fut brisée par le clan adverse, couverte de calomnies, accusée d’hérésie, jugée par l’Inquisition, puis réduite à la plus grande pauvreté. Veronica publia un recueil de Tierces Rimes et des Lettres familières où elle exprime en termes forts son combat contre la domination masculine et patricienne. Elle consacra ses dernières années à la fondation d’un hospice, toujours visible à Venise, destiné aux prostituées qui voulaient changer de vie sans finir leurs jours dans l’ombre d’un couvent. Bien qu’écrit sous forme romanesque et poétique, je me suis fondée dans ce récit sur des éléments historiques, tous issus de mes recherches dans les archives vénitiennes.
Depuis plusieurs années la villa des seigneurs Giustiniani est fermée et les volets sont clos. Plus personne n’habite ici, pas même l’été. Parfois, un homme âgé se présente à l’entrée du parc. Son visage m’est inconnu et son accent me dit qu’il n’est pas de notre pays. Il vient sans prévenir. Il me salue poliment en soulevant son chapeau, agite un énorme trousseau de clés, pénètre dans la maison, ouvre les volets, puis il repart comme il était venu. Alors, le silence se rétablit. Je reprends mon existence d’ermite, parlant seulement avec mes chiens, mes poules, les lapins, le vent et la pluie.
Veronica Franco, « Ma vie brisée de courtisane », p. 20
Lettre d’une virtuose vénitienne… à un musicien français de passage à Venise
Venise, Rapport d’étape (Librairie française à Venise, dir. Dominique Pinchi), n. 83, 2005, 13 p.
Écrite sous forme ironique et poétique, j’ai imaginé cette lettre, telle que Veronica Franco aurait pu l’écrire au roi français Henri de Valois.
(…)
Car c’est bien là notre drame
À nous autres, honnêtes courtisanes,
Sublimes poétesses
Et parfaites virtuoses
Que de cultiver la rime, la rhétorique
Et l’harmonie
À l’égal de vous
Messieurs
Mais avec de si éphémères avantages.
Car si, parfois,
Votre plume nous élève
Au rang de divine sirène
Ce n’est que pour le temps
Le temps que dure
Votre amoureux désir
Le temps qu’expirent
Les phalènes.
(…)
Paris, Carnet d’été
L’été est la saison des vergers regorgeant de fruits mûrs, des cabanes et des jeux d’enfants. En cet été du deuxième millénaire, pour moi, il est ombre et errance dans la ville. Sur un fond d’inépuisable mélancolie, on croise dans ce texte des êtres solitaires, des étrangers surtout, tandis que remontent à la conscience des bribes de souvenirs heureux. Dans la chaleur de Paris au mois d’août, la pensée s’engourdit, le souffle s’amenuise et la parole se retranche derrière la page.
Chargé de poussière blanche
l’air gicle
entre vos jambes de caoutchouc
chiens des sables et
nomades à sandales
Dans l’intestin de la nuit
pourrissent
fruits verts
serres brisées
et vergers éclatés.
(Poème de métro) Paris, Carnet d’été, p. 13
*
MER/FER/ÈRE
Mo-notonie
Mé-lancolie
Mordent dans la tristesse du ciel
Paris, Carnet d’été, p. 17
*
Noir et luisant de pluie
l’asphalte
courbe l’échine
sous la lune
qui l’accroche
tel un félin
saillant sa femelle.
Paris, Carnet d’té, p. 20
Brûle encore
Partant de L’Origine du monde, le célèbre tableau de Gustave Courbet, puis évoquant tour à tour des personnages comme Philomèle de la mythologie grecque, Judith, de l’Ancien Testament, et les courtisanes de la Renaissance italienne, sans renier la poésie, je laisse sourdre ici le feu de l’indignation contre la domination masculine.
Sur la pulpe des lèvres
Sur la pulpe des doigts
effeuille
amour déçu
chante le vent
plombe le ciel
ROSE
jamais
ne reviendra
Brûle encore, p. 26
*
Ce matin
Une étoile solitaire
Était arrêtée
Dans le ciel
Égarée
Encore elle portait
Sa robe de fête
Et
Dans l’aube
Jeune et incertaine
Longtemps
Nous nous sommes regardées
Face à face
Étonnées.
Brûle encore, p. 61
Travaux vidéo et multimédia de Sylvie Mamy
- Présent antérieur, montage vidéo, musique, texte poétique, soirée organisée avec le soutien de l’Alliance Française, l’Ambassade de France et les éditions Vianello Libri, éditeurs de Balades Musicales dans Venise du 16ème au 20ème siècle., ouvrage présenté la même soirée par Me Paolo Cossato, critique littéraire et musical, écrivain, Venise, Théâtre Fondamente Nuove, 6 décembre 2006.
- Et in Arcadia ego ou l’exil de soi-même : création poétique accompagnée d’un film sur le thème de la mort de Wagner à Venise et du mythe des chants de gondoliers à l’époque du romantisme ; présentée au « Printemps des poètes », organisé par l’Université de Paris 8 (Centre International inter-universitaire de Créations et d’Espaces Poétiques, Paris, université Paris VIII, 17-24 mars 2005).